Le désert de sable, c’est quelque chose qui marque l’imagination de tous les gamins.

Dans les films d’aventures, il y a toujours un passage dans le désert.

C’est un espace rempli de contradictions, magnifique et mortel. «C’est propre», comme le disait Lawrence d’Arabie dans le film éponyme de 1962.

Mais comme le répliquait si bien dit un autre des personnages, dans le désert «il n’y a rien». Et aucun homme n’a besoin de rien.

C’est à Marrakech au milieu du mois de janvier que mon périple a commencé. Je suis arrivé avec deux amis rencontrés immédiatement en descendant au port de Tangers.
J’avais quitté l’équipage des Sea Frogs quelques semaines auparavant, avec la lointaine perspective de voir de mes propres yeux cet environnement composé de rien.

Après avoir visité une partie du nord du Maroc, nous sommes donc descendus jusqu’à la “ville rouge” avec la ferme intention de nous rendre à l’orée du Sahara par nos propres moyens. Les tours organisés proposés à tous les coins de rue paraissaient intéressants, mais laissaient ils planer une incertitude quant au degré de liberté dont nous pourrions profiter.
L’alternative était de louer une voiture et de filer vers l’Est jusqu’à la ville de Merzougha, où l’on disait que les dunes valaient le coup d’oeil.

Le rêve était sur le point de devenir réalité. Nous voici donc, Emilie, Jay, et moi-même à braver la circulation marrackchie, dernière épreuve avant de pouvoir aborder la route des montagnes de l’Atlas. L’objectif de la journée était d’arriver suffisamment tôt à Ouarzazate, où nous comptions passer la nuit.

Il ne faut pas oublier que, malgré le doux climat marocain qui accompagnait nos journées, nous étions au milieu de l’hiver et qu’il allait falloir traverser un col de montagne à près de 4000m d’altitude.
La chance nous a souri cependant, car si la neige et le verglas nous ont bel et bien ralentis, nous avons été récompensés par des vues à couper le souffle.

Le paysages des montagnes de l’Atlas, recouvertes d’une fine couche de neige.
Comme quoi, on peut trouver des paysages hivernaux jusqu’en Afrique du nord.

C’est sans encombre que nous sommes arrivés à Ouarzazate, la «Porte du désert», où il ne pleut pratiquement jamais. Cette dernière raison fait de la région l’un des lieux de tournage les plus prisés du continent.

Quelques toits plats en terre de la petite ville de Ouarzazate, avec les palmiers et montagnes qui s’étendent à l’horizon.
Une atmosphère qui devient rapidement addictive.

Repartis le lendemain de bon matin, la route s’est poursuivie au milieu de paysages arides, ponctués de palmeraies et de plateaux, jusqu’à ce qu’une étrange vision attire notre attention :

On devine les ruines d’un village au sommet d’une coline.
Pas le choix, il faut convaincre mes compagnons de faire un détour !

Il fallait absolument aller jeter un œil.

Ce village fantôme, semblant tout droit sorti d’un passé lointain, laissait encore deviner des rues labyrinthiques semblables à celles des médinas historiques que l’on trouve dans la plupart des grandes villes du Maroc.

L’imagination vagabonde en même temps que l’on arpente les vestiges des nombreux bâtiments encore debouts, construits avec un mélange de boue et de paille. On devine à certains endroits encore des fours, une allée principale, des habitations.

Le bâtiment le plus intacte se dresse un peu à l’écart de l’ensemble. D’après l’instituteur que nous avions pris en stop un peu plus tôt, c’est là que l’on disposait les morts. Le village, lui, serait vieux de plusieurs siècles. Il s’est vidé petit à petit quand les habitants sont partis s’installer plus loin dans la vallée.

Des ruines de terre et de pierre vues de près
On pourrait s’y perdre.

Des murs et des pans de colonnes encore debout
Il y a encore des airs de médina

Un trou dans un toit en forme de coupole vu d’en-dessous
Serais-ce le bâtiment funéraire ?

Voilà une escale inattendue que je n’étais pas près d’oublier.

Le reste du trajet, s’est déroulé sans accrocs. Bercés par la playlist de Jay, nous nous arrêtions lorsque la vue implorait d’être immortalisée, ou lorsque la faune se joignait à la flore pour nous rappeler à quel point nous étions loins de chez nous.

Un dromadaire traverse la route
Ce n’est définitivement pas une biche.

Le soleil avait déjà commencé à décliner lorsque nous sommes arrivés en vue des premières dunes. Un peu de hors piste, et nous voilà au camp berbère où nous allions passer les prochaines nuits.

Enfin ! Cet endroit existait donc vraiment. Mais à quel point étais-ce différent des histoires ? Allais-je être frappé par sa beauté comme feu T.E Lawrence, ou n’y verrais-je qu’un tas de sable arride et infertile ? Le moment était venu de confronter rêve et réalité. Que d’heures nous allions passer à arpenter cet océan atypique.

Il s’étend jusqu’à l’horizon. Et c’est magnifique.

Le sable est doux. Très doux. L’arrête des dunes est incroyablement fine. Quelques fois le pied reste en surface, et d’autres fois on s’enfonce jusqu’au genoux.
Il est pratiquement immaculé, laissant de temps en temps apparaître un buisson nu ou la piste d’un dromadaire. Une espèce de force nous pousse à aller voir toujours un peu plus loin. On apprend vite à ne descendre que lorsque c’est absolument nécessaire, un petit détour veux mieux qu’une épuisante ascension.
On accepte rapidement que le sable se faufile -absolument- partout. Le vent, plutôt clément lors de notre visite, forme des vagues dansantes sur le flanc des dunes. Nos traces de pas ont disparu en quelques heures. Les nuits sont glaciales quand on s’éloigne du feu de camp. Mais le dôme d’étoiles au-dessus de nos têtes nous fait oublier toutes les petites contrariétés.

Le Sahara de Merzougha

Le sommet d’une dune au crépuscule

Une photo de pieds de part et d’autre de l’arrête d’une dune, le côté droit à l’ombre, et le gauche au soleil

Le silence. Et une sourde prise de conscience de l’immensité du monde.

Alors oui, Mr Lawrence. Je comprends qu’on puisse tomber amoureux du désert. Comme un marin tombe amoureux de la mer. C’est comme dans les histoires.

Et j’ai hâte de vivre la prochaine.