Pays de Glace
Ils m’ont donné Asgard !
«Le premier viking à avoir délibérément pris la route de l’Islande serait Flóki Vilgerðarson, surnommé “Hrafna-Flóki” (" Flóki aux Corbeaux “) Après un séjour particulièrement rigoureux, il donne au pays son nom définitif, Ísland (“pays de glace “)»
Île de bien des fantasmes, l’Islande est un paradoxe de nature sauvage et d’invasion touristique.
J’ai eu la chance de pouvoir m’y rendre par deux fois, pour un total d’un mois et-demi environ. Et c’est peu de le dire, ça été l’occasion d’arpenter et de poser les yeux sur certains des plus beaux endroits du monde.
La première fois, c’est ce vieux N. Brandebouc qui m’y a entraîné.
S’il y a un spécialiste des expéditions coup-de-tête, c’est bien lui !
Abreuvés d’images de cascades, de vallées, de falaises et de volcans, il faut préciser que nos attentes auraient pu disputer le ciel aux mouettes qui sillonnent le pays !
Nous étions loin du compte.
Arrivés à l’aéroport de Keflavik avec un bagage minimal, notre plan était de louer un 4x4 pendant deux petites semaines et de faire le tour de l’Île dans le sens horaire, en s’arrêtant au gré des envies. Nous étions en été, et ce choix nous permettait d’éviter les points d’affluence, par lesquels on pouvait toujours terminer en revenant sur la côte sud. Quant à entrer dans les hautes terres, et traverser les rivières avec la voiture…on verrait bien !
Voici un petit tour d’horizon de ce qu’on aura eu la chance d’observer lors de ce périple :
Les cascades
Elles sont nombreuses, majestueuses, et leur vision vous frappe de plein fouet quand elles apparaissent au détour d’un chemin.
Ma préférée restera Dynjandi, la «Reine des fjords».
La courte ascension qui mène à son pied est ponctuée de cascades plus modestes, mais élégantes, qui gagnent en intensité au fur et à mesure que l’on approche du sommet. Finir par arriver devant la reine des fjords est comme le chapitre final d’une histoire contée tout au long de la marche.
Les panoramas
Grandioses, les panoramas donnent souvent l’impression d’arpenter une autre planète. La brume qui caresse souvent le haut des montagnes leur donne un côté intriguant, et rajoute à la scène une pointe de surnaturel.
La glace
Les glaces étaient alors importantes, même en été. Pas étonnant, quand on sait que près de 10% du pays en est recouvert ! Elles donnent parfois naissance à de surprenantes visions, comme la célèbre plage des diamants. C’est même la première fois que j’ai pu approcher un glacier de près. La sieste sur la plage noire face au mur du nord fut une des plus atypiques de ma vie. Et en parlant de détente, il est impossible de refuser de se baigner dans les sources chaudes que l’on croise un peu partout. Il n’est pas difficile de comprendre l’étendue des superstitions (encore très présentes) du peuple islandais. Imaginer cet endroit comme la maison de créatures fantastiques ou de dieux mythologiques peut passer comme l’explication la plus évidente au premier abord. Et cela sans mentionner tous les phénomènes volcaniques dont ces terres se font une spécialité !
Comme je peux comprendre la réaction de ce bon vieux Floki !
Des lieux secrets
Un des moments les plus mémorables à ce propos, eu lieu lors d’une escapade dans une gorge secrète derrière Seljavallalaug, la plus vieille piscine du pays.
Cette dernière se découvre au tournant d’une vallée à laquelle on n’accède qu’à pieds, et son eau chaude est un réconfort plus que bienvenu (il faut dire que le climat est rude, même en été, et que les inconscients que nous sommes étions partis sous-équipés). Toutefois après une longue détente, plutôt que retourner sur nos pas, l’envie nous a pris de suivre la rivière et de nous enfoncer plus loin dans les terres.
Sautant de rochers en rochers, remontant toujours plus le cours d’eau, il faudra un peu d’escalade pour se retrouver par hasard dans un des endroits les plus somptueux de notre périple !
On aurait dit une scène tout droit sortie d’un film de fantaisie. Les parois rocheuses, désormais étroites et immenses, ne laissaient la place qu’à un cours d’eau claire, mais déchaînée. Le vent était léger, et les mouettes tournaient en piaillant entre les murs.
Ce n’est qu’en se détournant après un long silence, que nous sommes tombés nez-à-nez avec une grande mouette blanche posée juste devant nous, comme si elle attendait patiemment que nous ayons fini notre contemplation pour nous délivrer un message dans une voix d’outre-tombe. Un mélange d’émotions, de surprise et de fatigue sans doute, mais oubliant les principes du rasoir d’Ockham (face à une situation inexpliquée, privilégier l’hypothèse la moins extraordinaire), ma première pensée a été «Mince alors, les dieux nordiques essaient de communiquer avec nous !»
La pauvre créature ne pouvait en fait plus voler, peut-être après s’être cognée contre une paroi. En bref, en deux semaines, nous en avons pris plein les yeux. Suffisamment pour tomber amoureux du pays, et j’étais désormais à l’affût du moindre prétexte pour y retourner.
Le second voyage
Lors de ma seconde visite, le périple aura cette fois duré un mois. Le contexte de l’épidémie de Covid-19 n’avait pas prévu de faciliter les choses, mais la politique de tests systématiques à l’entrée du pays m’inspirait confiance.
La première semaine, j’avais cette fois traîné avec moi «El Wanderer» pour longer les côtes sud et ouest, et lui partager ce qui m’avait tant marqué deux ans plus tôt. Nous avons même eu droit à quelques surprises au passage, notamment sur la route des montagnes qui mène jusqu’à Dynjandi. Dire que chez nous pendant ce temps, la température dépassait les 35°C…
Nous avons même fait un bout de chemin avec Aleksandra {@bohoblondi}, une voyageuse polonaise rencontrée le soir de notre arrivée. Avec elle nous avons pu observer des macareux («Puffins !») le long des falaises, tester les délicieux hot-dogs locaux, et profiter des sources thermales !
Cet été-là, il faisait plus doux. Les nuits étaient plus confortables, mais les icebergs moins majestueux.
Une fois encore, nos aventures furent nombreuses, parmi elles l’affrontement avec les terribles mouettes de la péninsule de Snaefellness (sérieusement, c’est quoi leur problème ?!), la traque du semi-troll Bárðar à travers dans la gorge de Rauðfeldsgjá, et la traversée à gué pieds nus dans l’eau glacée pour découvrir des lieux cachés.
Un nomade à Reykjavik
Mes compagnons repartis poursuivre leurs obligations, je me suis retrouvé seul dans une Reykjavík pluvieuse, sans idée précise de ce qu’allait donner la suite.
Heureusement, on rencontre vite tous types d’individus à l’étranger, et autant de potentiels compagnons de voyage ! Citons notamment Julien, un français qui parcours le monde sans relâche depuis sept longues années, et qui se trouvait en Islande pour faire le tour de l’île…à vélo (défi qui sera au passage relevé haut-la-main).
Il y avait aussi Riz, infatigable marcheur néerlandais capable de porter un sac bien plus lourd que le mien, alors qu’il est lui-même plus léger. Il vous montrera les orteils dont il a perdu l’usage à cause des engelures (pas d’illustration). Pedro, lui, est venu pour un périple de cinq mois à travers les glaciers, périple qu’il a passé l’année précédente à planifier. Il y aura aussi plus tard Katherine, une islandaise pleine d’énergie qui aura vécu aux quatre coins du monde, Jay, marin britannique sur le point d’obtenir son propre voilier, ou J-B, baroudeur français toujours en train de se dépasser.
Reykjavík est une ville agréable, et une mine de connaissances pour en apprendre davantage sur la culture et l’histoire islandaise. Mon anecdote préférée à ce sujet concerne la plus ancienne trace écrite retrouvé sur l’île : des runes gravées sur un petit morceau de bois de quelques centimètres retrouvé dans le plancher d’une habitation. Les inscriptions sont datées des environs du 10 ou 11eme siècle. Elles sont malheureusement indéchiffrables, à l’exception du dernier mot qui semble être «Ast», «Amour».
Après un peu plus d’une semaine d’écriture et de travail à distance à prendre mes habitudes dans la capitale, comme le ciel commençait à s’éclaircir, je décidais de renfiler mon sac à dos et d’attraper un bus pour aller jeter un coup d’œil au célébrissime Landmanlaugar.
Il faut dire qu’une tempête nous en avait refusé l’accès deux ans plus tôt avec Mr. Brandebouc (nous causant quelques frayeurs au passage), et qu’un bon bus tout-terrain conduit par un chauffeur Islandais peut se rendre n’importe-où.
Dans les Fjallið
Le Landmannlaugar, qui signifie en islandais « Les bains chauds des gens du pays », est une région spectaculaire situé dans le sud des hautes-terres, connue pour ses collines multicolores. Impossible d’y accéder avec un véhicule standard, le passage obligatoire se faisant par des F-roads, ou routes de montagnes (le « F » tient pour «Fjallið», qui signifie «Montagne»). Cela signifie des routes étroites, accidentées, et des traversées de rivières si la saison le permet !
On surnomme aussi cette région «Le paradis des randonneurs», car elle abrite notamment le Laugavegur, un des plus célèbres treks du monde.
Après des semaines à arpenter le pays, il devenait de plus en plus difficile de m’impressionner, mais j’avais envie d’une bonne randonnée.
Ha ! L’inconscient.
L’endroit est véritablement incroyable. Je suis resté plusieurs jours à arpenter les collines autour du camp de base, à marcher et grimper à chaque fois aussi longtemps que me le permettait ma petite condition. Par miracle, le temps était dégagé, et la vue imprenable.
Le collines multicolores portent bien leur nom. Les rivières qui se faufilent entre elles sont claires, pures, et on peut y boire directement. L’eau est chaude quelques fois, trahissant la présence de marmites bouillantes en amont (un régal pour les pieds fatigués !). La neige, omniprésente en hauteur, cache parfois des cavernes creusées par les ruisseaux.
Sa blancheur contraste avec les nombreux champs d’obsidienne que l’on croise en chemin.
Malheureusement, un matin, la pluie revint de plus belle sans qu’aucune interruption ne soit prévue. Pas non plus de bus avant deux jours. Peu enthousiaste à l’idée de passer la journée à grelotter dans ma tente, je passais une partie de la matinée à demander aux 4x4 sur le départ s’ils pouvaient m’aider à retourner sur la route principale, où mes chances de retourner à la civilisation étaient plus élevées.
Pas facile de trouver une place dans ces véhicules étroits et souvent chargés de matériel de camping, mais finalement un adorable couple germano-mongol accepta de me laisser faire un bout de chemin avec eux !
Nous avons terminé la traversée des hautes-terres d’Ouest en Est, nous arrêtant régulièrement pour admirer les fantastiques paysages dont décidément, ce pays semble avoir une réserve infinie.
Route de montagneIl me faudra définitivement revenir une nouvelle fois pour explorer ces perles cachées plus en détails. Le Laugavegur aussi ne perd rien pour attendre !
Car de retour en ville, une autre aventure avait répondu favorablement à mon appel.
Le capitaine du Baladin, fin voilier français ayant récemment accosté à Reykjavík, cherchait des équipiers pour retourner sur le continent.
La traversée s’annonçait ambitieuse pour un marin novice comme moi, mais c’était l’occasion rêvée de voir si les notions apprises auprès des SeaFrogs allaient me servir à quelque chose. C’est une fois de plus en faisant un saut dans l’inconnu que je regardais disparaître les rivages de l’île qui m’avait offert autant de souvenirs…
…jusqu’à la prochaine fois.